INTRODUCTION

14.11.07

Nem in Black - Les détails et le verdict (suite et fin)

Prison ferme pour travail au noir

Un commerçant vient d’être condamné à cinq mois de prison dont un mois ferme par le tribunal correctionnel. Depuis 1998, il employait plusieurs ouvrières au noir, payées au rendement pour confectionner des nems dans des conditions d’hygiène douteuses. En Calédonie, la justice traite chaque année entre 60 et 80 dossiers de travail dissimulé. Sans doute une goutte d’eau dans un océan aux contours mal définis, même si les secteurs les plus fréquemment visés sont le BTP et la restauration.

Parmi les quelque 80 procédures de travail clandestin traitées chaque année par la justice calédonienne, rares sont les cas où les mis en cause goûtent à la détention provisoire. C’est pourtant ce qui est arrivé, il y a trois semaines, à un homme de 52 ans d’origine vietnamienne, au statut de résident permanent. Pour le parquet de Nouméa, l’affaire était entendue : « la situation était proche de l’exploitation, les faits duraient depuis de nombreuses années et la rémunération des victimes était très faible », indique Hervé Ansquer, magistrat en charge du travail dissimulé.

Le caractère exceptionnel de l’affaire a donc amené le procureur à demander le placement en détention provisoire le 19 octobre dernier, date de la première présentation de ce commerçant à la justice. Ce jour-là, l’homme devait être jugé selon la procédure de comparution immédiate. Il a finalement préféré préparer sa défense, comme la procédure le lui permet. Mais il a donc été placé en détention jusqu’à la date de son jugement, hier matin.

Depuis 1998 et la mise en liquidation judiciaire d’une précédente affaire, ce commerçant vietnamien avait remis le couvert, mais de façon illégale (notre édition du 23 octobre). Au rez-de-chaussée de son habitation, il dirigeait un atelier de fabrication de nems… en omettant juste de déclarer ses employées. Leur tâche consistait à remplir des bassines de nems, à raison de 1 000 francs la bassine. « Une bassine, c’était 240 nems, décrit la présidente d’audience, Elisabeth André. En une journée de sept heures de travail, il était possible de réaliser trois ou quatre bassines par ouvrière. » Les nems étaient revendus 500 francs les dix. Autant dire que le bénéfice pouvait être conséquent.

En octobre dernier, une ouvrière n’en peut plus et crache le morceau à la police. Trois jours plus tard, un flagrant délit établit les faits. L’une des employées n’a pas 18 ans.« Les policiers ont établi vos revenus entre 260 000 et 334 000 francs par mois », reprend la présidente. « Je fais un travail difficile, répond le prévenu. J’envoie de l’argent à ma famille, restée au Vietnam. A la fin du mois, je ne suis pas riche.»

Pour l’avocate des parties civiles, les ouvrières ont toujours demandé à leur employeur que leur situation soit régularisée. « Elles sont donc restées prisonnières de cette situation, au sens figuré comme au sens propre puisqu’elles étaient enfermées à clé dans un atelier mal aéré, indique Me Laure Chatain. Si elles ne travaillaient pas suffisamment, elles n’avaient pas droit à leur sandwich de midi. Elles n’avaient pas le choix. Elles devaient travailler pour pouvoir survivre. »

Pour le procureur, « c’est une histoire d’un autre temps, d’un autre lieu. Les conditions de travail de ces femmes étaient abominables », s’insurge Isabelle Lauqué. « Une seule personne a profité de cette situation. C’est l’employeur. » La représentante du parquet a requis trois mois de prison ferme.

La défense n’a évidemment pas la même lecture du dossier. « Cet homme n’est pas un esclavagiste comme on a pu le dire, a plaidé Me Laurent Aguila. Il payait la plus ancienne de ses employées 1 500 francs la bassine et non pas 1 000 francs. Et c’est même l’une d’entre elle qui lui a proposé de travailler dans l’atelier. » Le mois de détention provisoire, qu’il estime « démesuré » constitue un autre étonnement pour l’avocat.
« Au Camp-Est, personne ne comprenait sa présence… »Le tribunal a condamné le commerçant à six mois dont cinq avec sursis, soit un mois ferme qui couvre la période de détention provisoire, ainsi qu’une mise à l’épreuve de deux ans au cours de laquelle il devra indemniser ses victimes. Et éviter de fabriquer des nems, sauf à déclarer ses employées…

LES NOUVELLES-CALEDONIENNES Mercredi 14 Novembre 2007

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