INTRODUCTION

18.5.08

L’alcool au temps du Condominium

On ne plaisantait pas avec l’alcool à l’époque coloniale.

L’article 59. de la Convention du 20 Octobre 1906 définissait la « PROHIBITION DE LA VENTE AUX INDIGÈNES DES BOISSONS ALCOOLIQUES » :

-

« - 1. Il est interdit, dans l'Archipel des Nouvelles-Hébrides, y compris les îles de Banks et les îles de Torres, et dans les eaux territoriales de l'Archipel, de vendre ou de livrer aux indigènes tels qu'ils sont définis à l'Article 8 de la présente Convention, de quelque façon et sous quelque prétexte que ce soit, des boissons alcooliques.

- 2. Ne sont pas compris dans la présente prohibition les médicaments ou cordiaux à base d'alcool donnés en cas de maladie ou d'indisposition.

- 3. Sont compris dans la présente prohibition les spiritueux, les bières, les vins, et, d'une manière générale, toute boisson fermentée susceptible de provoquer l'ivresse. »

-

Pour se faire une idée de ce qui devait se passer concrètement, il suffit de lire les quelques extraits de décisions du TRIBUNAL MIXTE DES NOUVELLES-HEBRIDES du début du siècle dernier :

-

…"Attendu que par exploit daté du premier septembre 1913 N’Guyen Van Hoi a été cité à l’accusation d’avoir vendu de bon matin, le quatorze août 1913 à un indigène de Santo (Nouvelles-Hébrides) nommé Sam ou Frond, demeurant à Port-Vila, un demi litre de rhum pour la somme de deux shillings ;

Attendu que un procès Verbal du Commandant de milice française en date du quinze août 1913, et de 1'aveu du contrevenant, il résulte que le quatorze août 1913, à Port-Vila (Nouvelles Hébrides) le nommé N'Guyen Van Hoi a vendu à l’indigène Sam ou Frond de Santo. (Nouvelles Hébrides) une demi bouteille de rhum, pour la somme de deux francs et cinquante centimes;"

…"Attendu que le Contrevenant est en état de récidive légale pour avoir été condamné le vingt et un avril 1911 pour la même contravention ; qu’il y a lieu d’en tenir compte dans l’application de la peine ;

Par ces motifs :

Condamne N’Guyen Van Hoi à cinquante francs d’amende à trois jours de prison, et en tous frais et dépens."

Affaire No 219
Audience correctionnelle du 9 septembre 1913.

---0---

…"Attendu que par un exploit date du vingt quatre septembre mil neuf cent treize, N' Guyen. Van Thing a été cite a comparaitre devant ce Tribunal pour répondre a 1'accusation d'avoir
Vendu le lundi vingt deux septembre mil neuf cent treize, a environ dix heures et demie du matin dans une salle de débit nommée "Bar du Condominium", a Port-Vila, ile de Vaté, Nouvelles Hébrides, aux indigènes : Daniel Tenene de Maré, iles Loyautés, Nouvelle Calédonie, Toten et Kalman d'Erakor, ile Vaté, trois verres d'absinthe, pour un poisson, ce qui constitue une infraction a 1'article 59 de la Convention du 20 octobre 1906 et a l'arrêté conjoint du 14 janvier 1911;"

"Attendu que de l'aveu même du contrevenant et des débats il résulte que N'Guyen Van Thing dit Bah, a le vingt deux septembre mil neuf cent treize, à Port-Vila (Nouvelles-Hébrides ) vendu de l'absinthe aux indigènes Daniel, Toten et Kalman;"

….

"Par ces motifs :

Le Tribunal condamne N’Guyen Van Thing dit Bah a 25 (vingt cinq) francs d’amende et en tous frais et dépens."

Affaire No 224
Audience correctionnelle du trois octobre 1913

---0---

….

"Attendu que par un exploit en date du vingt six septembre mil neuf cent treize, Phan Van Bir a été cité à comparaitre devant ce Tribunal pour répondre à l’accusation d’avoir vendu, le samedi vingt septembre mil neuf cent treize, vers midi, dans sa maison, située près de celle de Monsieur Lepeltier à Port-Vila, à l’indigène Louis d’Aoba, Nouvelles-Hébrides, deux verres de vin pour la somme de dix pence (environ un franc) ce qui constitue une infraction à l’article 59 de la Convention du 20 octobre 1906,

Attendu que de l’aveu même du contrevenant et des débats il résulte que Phan Van Bir a le vingt septembre mil neuf cent treize, à Port-Vila, (Nouvelles-Hébrides) vendu deux verres de vin à l’indigène Louis d’Aoba (Nouvelles-Hébrides) ;" …

"Par ces motifs :

Le Tribunal condamne Phan Van Bir à vingt cinq francs d’amende et en tous frais et dépens."

Affaire No 226
Audience correctionnelle du 7 octobre 1913.

---0---


"Attendu que d'un procès-verbal dressé, à la date du 21 Juillet 1916, par M. Boibelet, gendarme, adjoint au Commandant de la Section française de la Milice, des débats et aussi des aveux du contrevenant, il résulte la preuve que celui-ci, Ha Van Gioi, a, le 14 Juillet 1916, en son habitation sise près du Lagon, île Vaté, vendu des boissons alcooliques aux indigènes Poui, de Santo et Tommy, d'Aoba;"

"Par ces motifs,

Déclare HA VAN GIOI atteint et convaincu de l'infraction c--dessus spécifiée;
Et lui faisant application des textes dont lecture a été donnée à l'audience,

Le condamne à quinze jours d'emprisonnement et à cinquante francs d'amende et aux frais."

AFFAIRE No. 299

AUDIENCE DE SIMPLE POLICE DU MARDI 1er AOUT 1916

---0---

…,

"Attendu que d'un procès-verbal dressé le 31 Août dernier par M. DELIGNY, Commissaire de police français, et aussi des aveux du prévenu, il résulte la preuve que ce dernier a, le 11 Août 1917, vendu des boissons alcooliques et notamment du rhum aux indigènes BANKOR et LENKOU d'Ambrym, engagés de la P.I.I.C à Mélé,"

….

"PAR CES MOTIFS:

Déclare le prévenu N'GUYEN VAN DAO atteint et convaincu de l'infraction ci-dessus spécifiée,

Et lui faisant application des articles 59 et 61 dont lecture a été donné à l'audience,

Le condamne à quinze jours de prison et a une amende de cinquante francs et aux frais."

AFFAIRE 355

AUDIENCE DE SIMPLE POLICE DU VENDREDI 14 SEPTEMBRE 1917

---0---

….

"Attendu que tout jugement doit articuler les faits dont le prévenu a été inculpé et ceux dont il est déclaré coupable et porter en lui-même la preuve de sa régularité;"

"Attendu qu’en un laconisme critiquable le jugement N° 188 du Tribunal du 1er degré les Iles Nord, en date du 9 mai 1960, dont est appel, se borne à déclarer PHAM VAN PHACH « prévenue » et « coupable » d’infraction aux dispositions de l’article 59 du Protocole franco-britannique du 6 août 1914, sans donner en aucune de ses dispositions la moindre précision sur les circonstances de l’infraction notifiée au prévenu ou retenu à sa charge : temps, lieu, indication des faits constitutifs ; qu’au vu de ce jugement la juridiction d’appel en est, de façon très regrettable, réduite à des conjectures sur l’objet précis de la poursuite, que les notes d’audience ne suffisent pas à compléter le jugement sur ce point puisqu’elles se réfèrent simplement à un procès-verbal de gendarmerie pour ce qui est de la prévention notifiée à PHAM VAN PHACH ; qu’il y a là une première irrégularité ;

Attendu, de plus, que les notes d’audience mentionnent les dénégations du prévenu après lecture à lui faite du procès-verbal de gendarmerie N° 112 du 23 avril 1960 ;

Mais attendu que ce procès-verbal, qui ne fait que rapporter un aveu qu’aurait passé le prévenu sans que ses rédacteurs aient personnellement constaté les faits délictueux de fourniture d’alcool à des indigènes dont il a été déclare coupable, n’est, de ce fait, pas de ceux auxquels est attaché la présomption de véracité de l’article 60 par. 2 du Protocole; qu’il appartenait donc à l’accusation de rapporter par l’un des moyens légaux la preuve des faits reprochés sans prévenu et niés par celui-ci; qu’à cette fin des déclarations ont été faites à l’audience du tribunal du 1er degré par des personnes qui auraient été témoins des faits reprochés, sans que ni le jugement ni les notes d’audience mentionnent que ces personnes aient prêté le serment exigé par les articles 18 de l’arrêté du Tribunal Mixte du 29 avril 1927 portant règles de procédure devant les tribunaux du 1er degré et 19 et 21 de l’arrêté du Tribunal Mixte du 15 décembre 1910 portant règles de procédure devant le Tribunal Mixte; qu’ainsi la preuve n’ayant pas été régulièrement rapportée à l’encontre du prévenu doit être tenue pour inexistante;

Attendu que le Tribunal Mixte, s’il n’est pas suffisamment éclairé sur les circonstances de la cause dont il est saisi d’office au cas de condamnation à l’emprisonnement prononcée par un tribunal du 1er degré, peut, aux termes de l’article 21 § 111 du Protocole, entendre des témoins à sa barre; qu’il possède à fortiori ce même pouvoir lorsqu’il statue sur un appel du condamné;

PAR CES MOTIFS

Sans qu’il y ait lieu de statuer en l’état sur les autres moyens d’appel;

Annule la procédure de 1ère instance et le jugement qui a suivi;
EVOQUE la cause;

Dit que les témoins utiles seront cités à la diligence du Ministère Public;"
Jugement N° (B) 2/61
du 13 janvier 1961

---0---

"VU l’exploit de M. Stephan JEAN, Huissier, citant PHAM HUU TY à comparaître a l’audience de ce jour sous la prévention d’avoir à Luganville, SANTO, le 16 avril 1960, vendu du vin et de la bière aux indigènes néo-hébridais SITTI et MAQUI; une bouteille de vin à chacun des indigènes néo-hébridais JOHN et TOM; infractions prévues et réprimées par les articles 59 et 61 du Protocole Franco-anglais du 6 août 1914.

OUI le Ministère Public en ses réquisitions;

ATTENDU qu’aucun témoin à charge n’a été produit à l’audience; que le prévenu nie les faits qui lui sont reprochés;

PAR CES MOTIFS:

RELAXE le prévenu des fins de la poursuite.

Met les faits à la charge du Condominium."

Jugement N° (A) 9/61
du 29 mars 1961

Source : http://www.paclii.org.vu/

Aucun commentaire: